
Depuis dix jours, le secteur nautique tient salon à Paris. Plus de 200.000 visiteurs ont ainsi parcouru les allées, entre les 300 engins de plage et les 700 bateaux, à moteur et à voile. Le secteur se réinvente pour affronter la crise.
Le plaisancier a un accent russe, brésilien ou chinois
Avec une baisse de 16% sur l’année 2012/2013, le marché national fait pâle figure. Les chantiers tricolores ont donc misé sur l’exportation, jusqu'au taux record de 72% du chiffre d’affaires de la filière pour le dernier exercice. Résultat : les professionnels ont limité la baisse de leurs ventes à 4% et les agents déployés aux quatre coins du monde se retrouvent à Paris pour préparer les prochaines années. C’est ainsi le cas sur le stand de Nautitech, spécialiste du catamaran de croisière. Le chantier qui réalise 85% de ses 8 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’export est le premier à avoir vendu des catamarans à voile à la Chine. « Jusqu’en 2007, nous vendions 40% de nos modèles en Grèce, Italie et Espagne, rappelle Bruno Voisard, PDG de Nautitech. Or ces trois marchés sont tombés quasiment à zéro avec la crise. » L’entreprise s’est donc lancée dans une politique volontariste de développement au grand export – les derniers accords de distribution ont été signés avec la Turquie, l’Australie, le Brésil et la Corée – tout en adaptant ses modèles. « En 2008, nous avons compris que nous ne pouvions pas nous contenter de proposer des bateaux rapides et marins pour aller au bout du monde, comme nous le demandaient nos habitués, explique le dirigeant. Nous devions aussi satisfaire les clients des nouveaux marchés. Ainsi, en Chine, les nouveaux plaisanciers achètent un statut avant tout. » Faute d’infrastructures suffisantes et de goût pour la navigation, les bateaux y sont destinés à rester au ponton, pour recevoir des clients ou des amis. Nautitech lance donc deux nouveaux modèles, l’Open 40 et le Nautitech 541, avec des configurations différentes pour chaque clientèle. On retrouve ce même souci d’adaptation du côté des bateaux à moteur, avec les yachts italiens Azimut, par exemple.
Le plaisancier imagine de nouveaux modes de propriété
La part des bateaux neufs dans les nouvelles immatriculations en Bretagne est tombée à 12% en 2012/2013. Les plaisanciers ont de plus en plus de difficultés pour accéder à la propriété. Mais de nouvelles solutions voient le jour pour partager les embarcations. Les chantiers, même très luxueux, voient ainsi depuis deux ans de plus en plus de demandes pour des achats mutualisés entre deux ou trois couples. Quelques start-up se sont également lancées pour démocratiser la navigation au plus grand nombre. Ainsi, la co-navigation permet aux propriétaires de rentabiliser l’utilisation de leur bateau, d’un côté, et aux plaisanciers dépourvus d’embarcation de partir en mer, de l’autre. Que ce soit pour une transatlantique – selon le principe des traditionnelles bourses aux équipiers affichées dans les ports – ou pour une simple matinée en mer au large de Sète. Depuis février 2010, plus de 18.000 membres échangent ainsi sur le site Vogavecmoi pour près de 7.000 annonces publiées. D’autres start-up proposent la location entre particuliers, sur le principe d’airbnb pour les terriens. "L'idée est de devenir auto-entrepreneur de la location de son bateau", explique Romain Dalongeville, l'un des trois créateurs de Sailsharing. Ainsi, les plaisanciers peuvent trouver des embarcations à petit prix. "Sur un échantillon de 60 bateaux, nous sommes 30% moins cher"; assure le jeune entrepreneur.
Le plaisancier est nostalgique
Les 200 nouveautés, exposées au salon nautique jusqu’à ce dimanche soir, ne proposent pas de lignes révolutionnaires. A l’image du constructeur américain Chris Craft, qui actualise l’un de ses modèles cultes des années 50, ou de Bénéteau, qui relance sa gamme de vedette Flyer, les constructeurs puisent dans les recettes du passé, qui ont déjà fait leurs preuves, pour séduire les plaisanciers. La modernité serait plutôt à chercher dans un souci constant du développement durable. Plusieurs entreprises de la côte Atlantique ont ainsi lancé au Nautic le projet de Voilier du futur, un bateau laboratoire 100% innovant. C’est parti pour six ans de développement.