Navigation hauturière, le grand retour du sextant

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Par François Tregouet

Au détour d’une conversation, au milieu d’une conférence de presse, à la lecture des instructions de course, un instrument oublié au fond du grenier s’est rappelé à nous. Mais qu’ont-ils tous à ressortir ce bon vieux sextant ? A l’heure où une simple montre, le plus modeste téléphone vous positionne avec une précision inférieure à trois mètres, pourquoi utiliser un instrument du XVIII° siècle qui, si vous êtes minutieux, patient, chanceux et très fort en calcul, vous positionnera à quelques milles nautiques près ?

©Kostum-Lantana Paysage
Au détour d’une conversation, au milieu d’une conférence de presse, à la lecture des instructions de course, un instrument oublié au fond du grenier s’est rappelé à nous. Mais qu’ont-ils tous à ressortir ce bon vieux sextant ? A l’heure où une simple montre, le plus modeste téléphone vous positionne avec une précision inférieure à trois mètres, pourquoi utiliser un instrument du XVIII° siècle qui, si vous êtes minutieux, patient, chanceux et très fort en calcul, vous positionnera à quelques milles nautiques près ?

La première alerte est arrivée pendant la transat Jacques Vabre, par le biais d’une image rappelant une icône. Marie Tabarly s’essayant au sextant à bord de Kostum / Lantana Paysage de Louis Duc. Voilà qui n’a pas manqué de surprendre sur un Imoca, classe phare du XXI° siècle, vaisseaux tout de carbone vêtus emplis d’électronique, à bord desquels internet est aussi accessible qu’à la maison, et où les messages Whatsapp arrivent en temps réel. La raison de cet anachronisme flagrant, réside dans les instructions de course de l’Ocean Globe Race sur laquelle Marie Tabarly a engagé le mythique Pen Duick VI de son père. Pour célébrer le 50ème anniversaire de la première course autour du monde en équipage, Don McIntyre a en effet voulu en respecter l’esprit originel. Les bateaux acceptés doivent avoir participé à une précédent édition de la « Whitbread » comme on l’appelait alors, et les GPS ne sont tout simplement PAS autorisés à bord, comme stipulé en majuscules dans l’article 3.1.7 de l’avis de course.

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Skip Novak© PPL

Un parfum de vintage

Voilà une règle qui n’aurait pas déplu aux tenants les plus traditionalistes de la mini-transat. Ces mini-bolides de 6.50m sont à la course au large ce que le karting est à la Formule 1, ou le bac aux études supérieures, une porte d’entrée quasi-incontournable. A leur bord, le positionnement par satellite est bien autorisé depuis le milieu des années 90, mais le sextant est resté obligatoire, pour palier à toute défaillance technologique. La maîtrise de son fonctionnement est dûment vérifiée par la classe organisatrice, ce qui a valu à l’humble auteur de ces lignes, déjà plus littéraire que scientifique, ses premiers cheveux blancs en préparant l’édition 1997. Pour ma défense, au-delà des la complexité des calculs, relever la hauteur de l’astre solaire avec précision depuis le pont d’une coque de noix par mer agitée tient de l’exploit. Il me faudra plusieurs tentatives avant d’arriver à une position estimée à moins de 5 miles de celle donnée par le GPS qui me narguait. Je n’ai pas envoyé à l’organisation mes premiers essais, par respect pour les inventeurs du procédé.

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Loïck Peyron© Yvan Zedda

Une invention européenne

A ce sujet, en ce Brexit an 1, il convient de rappeler que le sextant est le fruit d’une coopération franco-britannique, même si elle fut fortuite. Le sextant est en effet, le résultat des améliorations apportées en 1742 par Jean-Paul Grandjean de Fouchy à l’octant inventé par John Hadley seulement une dizaine d’années plus tôt*. C’est une petite révolution, car si on sait de longue date se positionner en latitude, la longitude restait aléatoire. Il suffit désormais d’un sextant, de l’heure précise et des tables astronomiques pour la déterminer à moins de 5 milles nautiques près. Autant dire que son usage s’est diffusé très rapidement et est devenu quasi-généralisé dès 1780. Il faudra ensuite attendre deux siècles pour voir les GPS intégrer nos tables cartes et reléguer définitivement, croyait-on, le sextant au rayon des antiquités.

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Golden Globe Race © Archives AFP

Symbole d’une autonomie retrouvée

C’était sans compter le phénomène low-tech, la mode du vintage, et plus encore, le besoin pour beaucoup de se déconnecter d’un monde techno-dépendant. Mieux, pas besoin du moindre milliampère d’électricité pour faire son point au sextant, comme le symbole d’une autonomie retrouvée. On peut même parler d’indépendance au sens politique du terme, quand les fabricants de ces bijoux de technologie vantent les mérites de leurs équipements triple réseaux, à la fois Américain (le fameux GPS), Européen (Galileo) et Russe (Glonass), en attendant le chinois Beidou, au cas où les premiers décideraient de couper le signal ! Ils veulent éviter toute paranoïa ceux qui s’inscrivent en nombre aux formation ‘Sextant’ d’EFT, comme nous l’a confié Laurent Marion dans les allées du Nautic 2021. Un retour aux sources de la navigation en quelque sorte, dans le sillage des Slocum, Moitessier, Robin Knox-Johnston ou Tabarly. Une bonne idée de cadeau de Noël pour votre marin préféré(e)…

*Bibliographie : Une histoire du point en Mer – André Gillet (Ed. Belin)

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…