Essai du Jeanneau NC 37 hybride électrique : la motorisation hybride pour la plaisance de demain

Par Norbert Conchin

Volvo Penta a développé une des premières motorisations hybrides électrique-diesel montées en parallèle. En partenariat avec Jeanneau, un prototype NC 37 a été équipé de moteurs D4, accouplés à des propulseurs électriques, afin de réaliser des tests grandeur nature auprès d’un large panel d’utilisateurs. Nous avons eu la chance de pouvoir participer à ces essais très instructifs.

Face aux défis environnementaux qui arrivent à grands pas, l’impact sur les us et coutumes de la plaisance n’est plus, lui aussi, qu’à quelques encablures. Dans ce domaine, nous avons assisté à l’avènement des moteurs électriques, mais force est de reconnaitre que leur montage correspond, pour l’instant : mieux, à des voiliers qui peuvent recharger sous voiles sans attente de puissance, ou des day-boats à moteur, puissant eux, mais qui reviennent au port le soir pour recharger. Jusqu’à lors, la réponse des motoristes traditionnels s’est fait un peu attendre. Certains équipementiers comme E-motion ou Transfluide n’ont pas hésité à devancer l’appel en adaptant des groupes électriques sur des motorisations thermiques existantes. En revanche, du côté des leaders du secteur, la prudence était de mise, car sur de grosses parts de marché, les enjeux sont très importants. Le département R&D de Volvo Penta a donc bien caché son travail avant de révéler au grand jour un de ses choix stratégiques. Et pour être bien sûr de ne pas prendre une mauvaise direction en proposant un concept qui ne séduit pas les utilisateurs, le motoriste a lancé un projet avec le groupe Bénéteau pour valider le bienfondé de la démarche et affiner le développement du concept. Un prototype a donc été mis au point sur la base d’un NC 37 de Jeanneau, archétype de la vedette de croisière familiale rapide, comprenant une motorisation hybride montée en parallèle. Pas de commercialisation pour l’instant, mais la mise à disposition de ce bateau pilote et le recueil de l’avis des concessionnaires, des clients, des médias pour analyser les réactions et comprendre les attentes des utilisateurs finaux. Cette campagne d’essais s’est inscrite dans la durée puisqu’elle a débuté l’été dernier à Göteborg, le centre d’essai Volvo, et s’est poursuivi pendant les salons à flot d’automne.

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Cette NC 37 de Jeanneau sert de laboratoire pour développer une motorisation plus respectueuse de l'environnement et de la réglementation à venir.

Le développement marketing participatif

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Dans les petits espaces restreins avec du courant, le pilotage au joystick activant les moteurs électriques est vraiment très sécurisant et agréable.

Un nombre important de navigants se sont succédés à la barre avec un questionnaire très exhaustif à remplir à la fin de l’essai. « Le but pour les deux entités, le chantier et le motoriste, est de pouvoir satisfaire aux futures exigences réglementaires écologiques, notamment celle de ne plus émettre dans les ports (à l’horizon 2030 en France), mais aussi de pouvoir proposer un produit abouti, en totale adéquation avec les attentes des clients » nous confie Eric Stromberg, le directeur de la section moteur du Groupe Bénéteau.  Elle participe à une initiative de développement continu puisque que les technologies de l’électrification sont en constante évolution. Et quoi de mieux que la pratique pour apprendre à utiliser ce nouveau type de propulsion, nous en sommes aussi convaincus en montant à bord pour quelques tests au large de Cannes.

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Le montage des moteurs électriques, accouplé en parallèle aux moteurs D4 Volvo, ne modifie en rien l'architecture initiale.

En tout premier, il faut préciser que le système ne modifie pas l’architecture initiale du bateau. C’est la caractéristique du montage en parallèle, je m’explique : les deux D4 de 320 chevaux sont chacun accouplés avec un moteur électrique de 60 kW en avant de la transmission DPI Aquamatic. Ils sont donc au même endroit dans la cale moteur. La seule modification réside sous le plancher du carré ou un parc batterie de  67 kWk a été installé et rogne légèrement sur l’espace de stockage, et grève un peu le poids. Au niveau de la console de pilotage, un grand écran tactile supplémentaire permet de contrôler et de gérer l’ensemble qui comprend, un système d'amarrage par joystick ainsi qu'un système de positionnement dynamique. Les deux ayant été adaptés pour fonctionner aussi bien en mode électrique que thermique. Le parc batteries est prévu pour donner une autonomie de trois heures à cinq nœuds en mode électrique. La recharge des batteries s’effectue depuis le quai ou en navigation à l’aide des Volvo D4 qui jouent alors le rôle de génératrice. Bateau arrêté, par exemple au mouillage ou au port, les deux moteurs peuvent recharger en une heure les 60 kWh du parc, mais cela ne correspond pas à l’objectif de ne pas émettre dans les ports, et sans doute à termes, proche des autres et de la côte. Par contre, le parc est rechargeable en trois heures pendant la navigation. Largement de quoi quitter ou arriver au port, longer de près la côte sur quelques milles, sans émettre de Co² ou de s’assourdir avec un groupe électrogène au mouillage. D’ailleurs, en parlant écologie, il ne sera plus nécessaire de mouiller l’ancre pour une baignade et/ou un pique-nique.

Beaucoup d’avantages

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Mario Celegin est l'ingénieur en charge du concept et il collecte l'avis de nombreux utilisateurs. L'écran horizontal est l'interface qui permet la gestion du système.

En premier lieu, le silence de fonctionnement. Quitter le quai du vieux port de Cannes sans émettre le moindre bruit en regardant la tête des gens, bien intrigués, sinon médusés, constitue le premier petit plaisir de cette sortie et le rictus qui s’affiche sur les visages à bord est évocateur. Une fois sortie, nous prenons un peu de vitesse, passant du joystick aux manettes, pour s’éloigner jusqu’à huit-neuf nœuds, toujours en silence, puis Mario Celegin, l’ingénieur chef de projet de Volvo, pousse les commandes et nous entendons la cavalerie Penta s’animer soudainement sans qu’aucun bouton ne soit touché. Grâce à un embrayage hydraulique, les moteurs thermiques s’accouplent automatiquement et transmettent leur puissance conjointement aux électriques. Résultat, l’accélération est plus forte et le déjaugeage bien plus rapide que la NC normale qui demande quelque sept à huit secondes de plus sur la même plage. Nous pouvons d’ailleurs surveiller, sur l’interface de contrôle, les tours/minutes et la consommation de chacun des quatre moteurs. Sitôt le bateau planant, la vitesse augmente jusqu’à plus d’une trentaine de nœuds et nous constatons sur l’écran l’arrêt des moteurs électrique, plus nécessaire au-dessus d’une quinzaine de nœuds. Arrivant entre les îles de Lérins, nous réduisons, car la vitesse est limitée à cinq nœuds. Dès redescendu à huit nœuds, les D4 s’éteignent automatiquement et laissent les moteurs électriques œuvrer pour sillonner la zone de mouillage. Comme il y a pas mal de monde, il faut se faufiler entre les bateaux. Les moteurs électriques délivrent l’intégralité de leur couple à partir du 1ᵉʳ tour/minutes, rendant le contrôle des évolutions au joystick beaucoup plus serein qu’à l’habitude. La maniabilité et la précision sont sans failles et nous mènent au mouillage sans appréhension. Enfin, mouillage, le mot est vite dit, car en activant le positionnement géodynamique, plus besoin de jeter l’ancre, on reste sur place en silence. Encore un bon point pour la flore et c’est relaxant de ne pas avoir à emmêler sa chaîne avec celle du voisin, si vous voyez ce que je veux dire.

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L'interface permet de vérifier les consommations et de sélectionner le fonctionnement de chacun des quatre moteurs et de sélectionner les modes.

Notre avis

La mise au point de ce concept est déjà très avancé, au point qu’il est déjà impossible d’y trouver des défauts rédhibitoires. On peut choisir de faire fonctionner les moteurs en binôme automatiquement ou de ne sélectionner qu’un seul mode de propulsion. C’est un point déstressant pour ceux qui sont encore frileux vis-à-vis du tout électrique. Il y aura, à la compilation des très nombreux avis collectés, encore des affinements avant une commercialisation probable en 2024, mais on peut déjà dire que l’agrément apporté en navigation, comme pour le respect de l’environnement, est significatif. Dans le futur cette technologie permettra aussi de réduire la puissance des moteurs thermiques, pour ceux qui ne souhaitent pas naviguer à plus de vingt nœuds, car le boost sera suffisant pour déjauger. Volvo élabore aussi ce concept sur des motorisations beaucoup plus puissantes destinées à des unités supérieures, nous avions la présence à bord du CEO d’une grande marque de motoryachts. Mais chut, il ne fallait pas le dire...

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À l'intérieur, rien ne change : les batteries installées sous le plancher enlèvent un peu de stockage, mais les moteurs sont dans leur cale dédiée.

Fiche technique

Longueur hors-tout : 10,90 m

Largueur : 3,59 m

Tirant d'eau : 1,07 m

Déplacement lège : 7 t                  

Capacité carburant : 650 l

Capacité batterie : 67 kWh

Moteurs thermiques : 2 x 320 ch Volvo D4

Moteurs électriques : 2 x 60 kW en parallèle

Vitesse max : 35 noeuds

Vitesse max électrique :  8-9 noeuds

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Voilà à quoi ressemble un moteur électrique accouplé à un moteur thermique.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…