Essai du Jeanneau NC 37 hybride électrique : la motorisation hybride pour la plaisance de demain

Face aux défis environnementaux qui arrivent à grands pas, l’impact sur les us et coutumes de la plaisance n’est plus, lui aussi, qu’à quelques encablures. Dans ce domaine, nous avons assisté à l’avènement des moteurs électriques, mais force est de reconnaitre que leur montage correspond, pour l’instant : mieux, à des voiliers qui peuvent recharger sous voiles sans attente de puissance, ou des day-boats à moteur, puissant eux, mais qui reviennent au port le soir pour recharger. Jusqu’à lors, la réponse des motoristes traditionnels s’est fait un peu attendre. Certains équipementiers comme E-motion ou Transfluide n’ont pas hésité à devancer l’appel en adaptant des groupes électriques sur des motorisations thermiques existantes. En revanche, du côté des leaders du secteur, la prudence était de mise, car sur de grosses parts de marché, les enjeux sont très importants. Le département R&D de Volvo Penta a donc bien caché son travail avant de révéler au grand jour un de ses choix stratégiques. Et pour être bien sûr de ne pas prendre une mauvaise direction en proposant un concept qui ne séduit pas les utilisateurs, le motoriste a lancé un projet avec le groupe Bénéteau pour valider le bienfondé de la démarche et affiner le développement du concept. Un prototype a donc été mis au point sur la base d’un NC 37 de Jeanneau, archétype de la vedette de croisière familiale rapide, comprenant une motorisation hybride montée en parallèle. Pas de commercialisation pour l’instant, mais la mise à disposition de ce bateau pilote et le recueil de l’avis des concessionnaires, des clients, des médias pour analyser les réactions et comprendre les attentes des utilisateurs finaux. Cette campagne d’essais s’est inscrite dans la durée puisqu’elle a débuté l’été dernier à Göteborg, le centre d’essai Volvo, et s’est poursuivi pendant les salons à flot d’automne.
Le développement marketing participatif
Un nombre important de navigants se sont succédés à la barre avec un questionnaire très exhaustif à remplir à la fin de l’essai. « Le but pour les deux entités, le chantier et le motoriste, est de pouvoir satisfaire aux futures exigences réglementaires écologiques, notamment celle de ne plus émettre dans les ports (à l’horizon 2030 en France), mais aussi de pouvoir proposer un produit abouti, en totale adéquation avec les attentes des clients » nous confie Eric Stromberg, le directeur de la section moteur du Groupe Bénéteau. Elle participe à une initiative de développement continu puisque que les technologies de l’électrification sont en constante évolution. Et quoi de mieux que la pratique pour apprendre à utiliser ce nouveau type de propulsion, nous en sommes aussi convaincus en montant à bord pour quelques tests au large de Cannes.
En tout premier, il faut préciser que le système ne modifie pas l’architecture initiale du bateau. C’est la caractéristique du montage en parallèle, je m’explique : les deux D4 de 320 chevaux sont chacun accouplés avec un moteur électrique de 60 kW en avant de la transmission DPI Aquamatic. Ils sont donc au même endroit dans la cale moteur. La seule modification réside sous le plancher du carré ou un parc batterie de 67 kWk a été installé et rogne légèrement sur l’espace de stockage, et grève un peu le poids. Au niveau de la console de pilotage, un grand écran tactile supplémentaire permet de contrôler et de gérer l’ensemble qui comprend, un système d'amarrage par joystick ainsi qu'un système de positionnement dynamique. Les deux ayant été adaptés pour fonctionner aussi bien en mode électrique que thermique. Le parc batteries est prévu pour donner une autonomie de trois heures à cinq nœuds en mode électrique. La recharge des batteries s’effectue depuis le quai ou en navigation à l’aide des Volvo D4 qui jouent alors le rôle de génératrice. Bateau arrêté, par exemple au mouillage ou au port, les deux moteurs peuvent recharger en une heure les 60 kWh du parc, mais cela ne correspond pas à l’objectif de ne pas émettre dans les ports, et sans doute à termes, proche des autres et de la côte. Par contre, le parc est rechargeable en trois heures pendant la navigation. Largement de quoi quitter ou arriver au port, longer de près la côte sur quelques milles, sans émettre de Co² ou de s’assourdir avec un groupe électrogène au mouillage. D’ailleurs, en parlant écologie, il ne sera plus nécessaire de mouiller l’ancre pour une baignade et/ou un pique-nique.
Beaucoup d’avantages
En premier lieu, le silence de fonctionnement. Quitter le quai du vieux port de Cannes sans émettre le moindre bruit en regardant la tête des gens, bien intrigués, sinon médusés, constitue le premier petit plaisir de cette sortie et le rictus qui s’affiche sur les visages à bord est évocateur. Une fois sortie, nous prenons un peu de vitesse, passant du joystick aux manettes, pour s’éloigner jusqu’à huit-neuf nœuds, toujours en silence, puis Mario Celegin, l’ingénieur chef de projet de Volvo, pousse les commandes et nous entendons la cavalerie Penta s’animer soudainement sans qu’aucun bouton ne soit touché. Grâce à un embrayage hydraulique, les moteurs thermiques s’accouplent automatiquement et transmettent leur puissance conjointement aux électriques. Résultat, l’accélération est plus forte et le déjaugeage bien plus rapide que la NC normale qui demande quelque sept à huit secondes de plus sur la même plage. Nous pouvons d’ailleurs surveiller, sur l’interface de contrôle, les tours/minutes et la consommation de chacun des quatre moteurs. Sitôt le bateau planant, la vitesse augmente jusqu’à plus d’une trentaine de nœuds et nous constatons sur l’écran l’arrêt des moteurs électrique, plus nécessaire au-dessus d’une quinzaine de nœuds. Arrivant entre les îles de Lérins, nous réduisons, car la vitesse est limitée à cinq nœuds. Dès redescendu à huit nœuds, les D4 s’éteignent automatiquement et laissent les moteurs électriques œuvrer pour sillonner la zone de mouillage. Comme il y a pas mal de monde, il faut se faufiler entre les bateaux. Les moteurs électriques délivrent l’intégralité de leur couple à partir du 1ᵉʳ tour/minutes, rendant le contrôle des évolutions au joystick beaucoup plus serein qu’à l’habitude. La maniabilité et la précision sont sans failles et nous mènent au mouillage sans appréhension. Enfin, mouillage, le mot est vite dit, car en activant le positionnement géodynamique, plus besoin de jeter l’ancre, on reste sur place en silence. Encore un bon point pour la flore et c’est relaxant de ne pas avoir à emmêler sa chaîne avec celle du voisin, si vous voyez ce que je veux dire.
Notre avis
La mise au point de ce concept est déjà très avancé, au point qu’il est déjà impossible d’y trouver des défauts rédhibitoires. On peut choisir de faire fonctionner les moteurs en binôme automatiquement ou de ne sélectionner qu’un seul mode de propulsion. C’est un point déstressant pour ceux qui sont encore frileux vis-à-vis du tout électrique. Il y aura, à la compilation des très nombreux avis collectés, encore des affinements avant une commercialisation probable en 2024, mais on peut déjà dire que l’agrément apporté en navigation, comme pour le respect de l’environnement, est significatif. Dans le futur cette technologie permettra aussi de réduire la puissance des moteurs thermiques, pour ceux qui ne souhaitent pas naviguer à plus de vingt nœuds, car le boost sera suffisant pour déjauger. Volvo élabore aussi ce concept sur des motorisations beaucoup plus puissantes destinées à des unités supérieures, nous avions la présence à bord du CEO d’une grande marque de motoryachts. Mais chut, il ne fallait pas le dire...
Fiche technique
Longueur hors-tout : 10,90 m
Largueur : 3,59 m
Tirant d'eau : 1,07 m
Déplacement lège : 7 t
Capacité carburant : 650 l
Capacité batterie : 67 kWh
Moteurs thermiques : 2 x 320 ch Volvo D4
Moteurs électriques : 2 x 60 kW en parallèle
Vitesse max : 35 noeuds
Vitesse max électrique : 8-9 noeuds