Vendée Globe : une flotte divisée en deux

Par Figaronautisme.com

Alors qu’une petite moitié de la flotte du Vendée Globe est toujours soumise aux affres du Pot-au-Noir, une autre a désormais franchi l’équateur. Sur l’eau, c’est donc deux salles, deux ambiances. Pendant que les uns voient leurs vitesses osciller - parfois en grand - au gré des grains et des zones de molle, les autres crapahutent à cadence régulière dans les alizés avec un objectif en tête : gagner vers le Sud aussi vite que possible pour ne surtout pas rater le train au nord de Rio de Janeiro, celui-là même qui pourrait catapulter à fond les ballons ceux qui parviendraient à monter dedans jusqu’au cap de Bonne Espérance mais qui laisserait alors sur le quai de la station Sainte-Hélène de très nombreux autres. Si pousser fort reste évidemment le nerf de la guerre dans ce type de situation, il faut aussi optimiser sa trajectoire pour maximiser ses chances d’être à l’heure au départ de l’omnibus. Dans l’instant, il s’agit en l’occurrence de faire le choix de passer à l’ouest ou à l’est de l’archipel Fernando de Noronha.

« Voilà, on est dans le Sud, pas le grand mais l’hémisphère ! Pas de bizutage cette fois, mais j’ai bu un petit coup de lambig normand », a raconté Paul Meilhat (Biotherm). Eau-de-vie de cidre, bière, vin, Calvados, rhum… Entre superstition et rite païen, chacun y est allé de sa petite lampée, ces dernières heures, pour célébrer le passage de l’équateur, mais aussi pour faire son offrande à Neptune Roi des mers, avec l’espoir de récupérer ses faveurs ou, à tout le moins, éviter sa colère. Les uns et les autres seront-ils entendus ? Ce qui est certain, en tous les cas, c’est que le scénario qui se dessine en Atlantique Sud cette fin de semaine pourrait bien les ravir. « Au nord de Rio de Janeiro, dans la journée de dimanche, les premiers pourraient accrocher un axe dépressionnaire et ainsi rejoindre presque tout schuss le cap de Bonne Espérance », a annoncé Christian Dumard, consultant météo de l’épreuve. « On espère tous attraper le bon wagon », a confirmé Thomas Ruyant (VULNERABLE) qui met donc autant de charbon que possible dans la machine en attendant de bifurquer à gauche.

Les dix premiers dans un mouchoir de poche
« Le fait d’être sorti du Pot-au-Noir très à l’ouest par rapport au reste de la flotte me donne un angle de progression un peu moins favorable. Dès le début, je savais que ce bord-là allait être compliqué pour moi, surtout que certains, comme Charlie Dalin, sont très rapides à ces allures un peu serrées », a ajouté le Nordiste qui, après s’être faufilé comme un as dans le Pot-au-Noir et s’être installé pendant un temps aux commandes de la course, a cédé le leadership au skipper de MACIF Santé Prévoyance ce vendredi aux environs de 7 heures. « J’essaie de tenir ma position et de resserrer un peu l’écart en latéral », a souligné Thomas qui a effectivement été le moins rapide de la bande des avant-postes sur les 24 dernières heures, pour des histoires d’angle, ainsi qu’il l’a expliqué, mais aussi parce qu’il a dû solutionner un problème de vérin hydraulique de J3. « J’ai perdu deux-trois heures dans la bataille mais c’est reparti. Je suis content de ma position et de ma place en ce moment. L’objectif, c’était d’être dans le bon paquet dans l’hémisphère sud et c’est le cas », a souligné le navigateur qui ne s’attendait certainement pas à ce que la bagarre soit aussi serrée après douze jours de mer, les dix premiers se tenant en à peine 65 milles.

Le retour des oiseaux
« C’est assez impressionnant. C’est une vraie régate au contact. C’est bien car il y a de l’action mais ça prend beaucoup d’énergie », a concédé le skipper de VULNERABLE, qui vient, tout comme ses rivaux les plus proches, de déborder Fernando de Noronha, ces petites îles classées au patrimoine mondial de l’UNESCO situées au large des côtes brésilienne, à hauteur de Natal. « On sent qu’il y a des terres pas loin ! Il y a pas mal d’oiseaux ! », a relaté Thomas. Ce n’est pas un hasard : l’archipel abrite la plus grande concentration de volatiles marins tropicaux de l’océan Atlantique Ouest. Si lui a choisi de passer entre Fernando de Noronha et l’atoll das Rocas, à l’image de Charlie Dalin, Nicolas Lunven (Holcim – PRB), Yoann Richomme (PAPREC ARKEA), Yannick Bestaven (Maître CoQ V) et Jérémie Beyou (Charal), Sam Goodchild (VULNERABLE) et Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) ont, pour leur part, préféré passer au vent bien que les dévents de ces petites îles soient quasi inexistants. Et pour cause, sur zone, le Morro do Pico ne culmine qu’à 321 mètres d’altitude. Pas de quoi fouetter un chat, donc.

Un système d’écart
C’est évidemment nettement plus perturbé pour les solitaires, toujours en proie à la zone de convergence intertropicale, même si cette dernière est moins active aujourd’hui qu’elle ne l’a été pour les leaders. « Le Pot-au-Noir ne semble effectivement pas trop méchant mais je n’ai pas envie de partir de ce principe tant que je n’en suis pas complètement sorti », a commenté Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise), un poil superstitieux mais aussi et surtout marqué par une expérience qu’il qualifie lui-même de « cauchemardesque » il y a quatre ans. S’il est parvenu à contourner une ligne de grains ce matin, certains de ses adversaires ne semblent en revanche pas aussi chanceux cette fois, en particulier ceux positionnés les plus à l’Est, à l’instar de Jean Le Cam devant qui une cellule orageuse s’est développée. La sanction est, de ce fait, un peu lourde pour le skipper de Tout Commence en Finistère – Armor-lux qui avait fait le pari audacieux de passer à l’Est du Cap Vert. Elle l’est aussi pour Szabolcs Weöres (New Europe) qui s’était abrité aux Canaries pour effectuer des réparations et se retrouve aujourd’hui relégué à près de 1 400 milles du leader, une distance qui, en l’occurrence, pourrait aussi se créer entre les 10-12 premiers et le reste du peloton au niveau de la pointe Africaine s’ils embarquent comme prévu dans l’express de Rio ce week-end !
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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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