Au gré du vent : entre tempêtes et défis sur le Vendée Globe

Mais il y a plus mal en point que ces deux-là, notamment dans le groupe des poursuivants de l’Atlantique Sud, toujours pas près de voir la fin du près. Pour ceux-là, mettons les point sur les i, le sac de nœuds n’est pas tout à fait fini, comme nous l’expliquait Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 9e) cette nuit :«Depuis les Malouines, c’est pas très plaisant, surtout là avec la mer qui se forme, ça tape dur, parfois on a un peu peur pour le bateau ! On a tous hâte que ça se finisse parce que c’est un peu éternel, ce qui est vraiment un peu énervant aussi c’est que les modèles météo changent beaucoup d’une séance à l’autre, donc on ne sait pas trop quoi penser ! » Boris Herrmann, Malizia - Seaexplorer.Sans jamais se départir de sa voix calme et posée, le marin allemand, qui aimerait tout de même trouver comment se faufiler, finit par s’agacer :«Je pense qu’on a encore une bonne semaine devant nous avec beaucoup de questions, de transitions et de manque de clarté ! Physiquement c’est dur de faire les virements, parce que le foil bâbord est difficile à descendre, donc je mouline comme un malade pour le descendre, ça me prend un bout de temps. Là on a fait je ne sais pas, 12-15 virements ? Je suis un peu fatigué, énervé, ça suffit quoi ! Ca suffit, on aimerait bien faire du bateau normalement, là on est comme des cochons au près, mais bon je vais pas me plaindre, là je vais à la bannette, j’espère que je vais pas me faire éjecter. Tout à l’heure on a fait un saut qui a vraiment fait mal au dos, qui a vraiment tapé très très fort, j’espère qu’on n’en aura pas beaucoup d’autres comme ça !» Boris Herrmann, Malizia - Seaexplorer.« Je le paye avec mes nerfs »Dans la galère, point de repères ! C’est aussi un peu l’avis d’Isabelle Joschke (MACSF, 18e), asymétrique depuis la casse d’un de ses foils, qui est justement en pleine mise au point : «Quand je dois empanner par exemple, je dois tout de suite changer de voile, je peux pas avoir la même configuration de voile d’un côté et de l’autre, donc ça change la stratégie, parce qu’empanner pour deux heures, ça fait beaucoup de travail ! J’ai l’impression de réapprendre mon bateau, je teste, j’essaie des trucs, je regarde si ça n’enfourne pas trop, si ça tient la vague… c’est beaucoup plus sollicitant, et quand je navigue en bâbord amure je suis toujours sur le qui-vive ! Et je suis beaucoup plus lente, j’ai du mal à faire des belles vitesses moyennes, ma performance a baissé d’un cran ! » Isabelle Joschke, Macsf.Le résultat ? « Je le paye avec mes nerfs », nous dit Isabelle Joschke, qui attend en plus deux beaux coups de vent avant le passage du Cap Horn, d’ici trois à quatre jours. « Il va falloir faire des compromis, des choix, et peut-être des sacrifices », explique la Franco-allemande, qui reconnaît que « ce n’est pas facile de rester zen ».
Voilà un point commun qu’elle partage aussi avec Arnaud Boissières (La Mie Câline, 29e), plus loin dans la flotte, mais tout aussi tendu. La faute aux icebergs bien sûr, qui ont tout de même rappelé à son petit groupe de bateaux que leur aventure peut vite passer au point mort si on ne surveille pas assez ses radars ! «Ce qui m’intrigue le plus c’est que je suis passé pas très loin de la position signalée par Eric devant moi, mais je ne l’ai pas vu au radar. Tout est allumé, ça rajoute un peu de stress, j’étais un peu moins rapide ces derniers temps… J’ai une voile d’avant, le petit gennaker, que j’ai décidé de plus utiliser. Tout l’Indien il commençait à se délaminer, j’ai longtemps hésité, mais rien qu’en le manipulant à la main, il craquait de peur, c’est le cas de le dire ! Donc c’est pour ça que je suis un peu moins rapide aussi». Arnaud Boissières, La mie câline.« J’avais peur que l’ongle parte ! »De fil en aiguille, le skipper des Sables d’Olonne finit par lâcher, ce qui n’aide pas à avoir le moral, qu’il a frôlé… le point de suture !«Je me suis fait un petit pet à un doigt, avec une écoute qui m’a filé entre les doigts, et le coup du débutant : j’ai voulu retenir l’écoute alors qu’elle est plus forte que toi, du coup t’aterris avec ton doigt sur le bord du winch… ça a un peu saigné mais pas grand-chose au final, j’avais peur que l’ongle parte ! J’ai pas mal de courbatures, je m’en suis rendu compte en matossant, il y a un sac je suis parti avec lui sur le toboggan, je me suis laissé glisser, comme à l’école… je sais pas si c’est la fatigue, je dirais que c’est plutôt de l’usure ! » Arnaud Boissières, La mie câline.Car oui, ils ont beau être d’une sacré étoffe nos marins du Vendée Globe, partout ça commence à tirer et craquer dangereusement. « Jusqu’à maintenant je trouvais qu’il y avait du rythme, et là honnêtement je trouve que le temps est long. C’est bien de se le dire, ça permet de se l’avouer ! Même si je parle à mon bateau, je me parle à moi-même… Arnaud parle à Cali, Cali lui répond, le bateau il parle aussi », nous confie le marin, qui n’est décidément pas ravi de sa position dans la flotte actuellement. Mais on a envie de lui rappeler que rien ne sert de courir, il faut partir à point… et surtout à point Nemo ! «On est à 1800 milles du Cap Horn, ça fait une petite trotte encore, mais chaque mille est une petite victoire. Tout à l’heure je me suis fait un stress, je suis allé à l’arrière du bateau, mais tout va bien. Dans ces moments-là, quand t’as une baisse de moral comme ça, c’est le bateau qui prend le dessus, je me réconforte avec l’attitude du bateau tel qu’il est là, le petit confort qui est à bord, et ça fait du bien. Allez, je vais continuer à parler à Arnaud là, bonne journée à tous, c’était Cali !» Arnaud Boissières, La mie câline.Un brin de folie dans ce monde où rien n’est mesuré, et qui fait rarement dans la dentelle. Le seul point qu’aucun d’eux ne veut voir sur ses aiguilles ? Le point de non-retour.Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.