Robin Knox-Johnston, le marin qui a fermé la boucle

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Il a fait le tour du monde. Littéralement. Mais ce n’est pas cela qui fait de Robin Knox-Johnston une légende. Ce n’est pas seulement son exploit, en 1969, d’avoir été le premier à boucler un tour du monde à la voile, en solitaire et sans escale. C’est l’homme derrière la manœuvre. L’obstiné. Le rêveur. Le marin pur. Celui qui n’a jamais quitté la mer, ni cessé de croire que l’aventure est une affaire de conviction, pas de technologie. Voici l’histoire d’un homme que les vents n’ont jamais fatigué.

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Il a fait le tour du monde. Littéralement. Mais ce n’est pas cela qui fait de Robin Knox-Johnston une légende. Ce n’est pas seulement son exploit, en 1969, d’avoir été le premier à boucler un tour du monde à la voile, en solitaire et sans escale. C’est l’homme derrière la manœuvre. L’obstiné. Le rêveur. Le marin pur. Celui qui n’a jamais quitté la mer, ni cessé de croire que l’aventure est une affaire de conviction, pas de technologie. Voici l’histoire d’un homme que les vents n’ont jamais fatigué.

Le fils de la mer
C’est à Londres, en 1939, alors que le monde chavire dans la Seconde Guerre mondiale, que naît Robin Knox-Johnston. Il a deux ans quand la famille déménage vers la côte, dans le nord-ouest de l’Angleterre. C’est là qu’il voit pour la première fois les voiliers passer sur la Mer d’Irlande. Un spectacle qui ne le quittera jamais. L’enfant regarde les lignes tendues, les voiles blanches, et comprend avant même de savoir lire que c’est là, quelque part, qu’il devra aller.
Il passe son adolescence à rêver de navigation et de grands espaces. Pas les sports nautiques, non, mais les cargos, les voiliers, les longues traversées. Il entre dans la marine marchande. Là, il apprend à connaître la mer, non pas comme un décor de carte postale, mais comme un environnement exigeant, imprévisible, souvent brutal. Il fait escale à Bombay, traverse les océans, et se forge, à vingt ans à peine, un caractère d’acier et une routine salée.
Mais au fond, Robin ne rêve pas de transporter des marchandises. Il veut aller là où personne n’est encore allé. Il veut se mesurer à la mer, pas travailler dessus. L’aventure, la vraie, ne peut pas être une profession. Elle doit être un défi.

Le pari fou du Golden Globe
En 1968, le Sunday Times lance une idée folle : offrir un trophée au premier navigateur qui fera le tour du monde, en solitaire, sans escale, et sans assistance. Le Golden Globe Challenge. À l’époque, cela tient presque du suicide. Aucun homme n’a jamais tenté ça. La radio est incertaine, la météo approximative, les prévisions quasi inexistantes. Personne n’a de GPS. L’exploit tient plus de l’exploration que du sport.
Robin s’inscrit. Pas en favori. Il n’a ni sponsors, ni gros bateau, ni notoriété. Il a Suhaili, un ketch de 10,10 mètres, en teck, construit en Inde sur un plan William Atkins. Il l’a acheté avec ses économies, retapé de ses mains, et gréé sans assistance. Face à lui, des navigateurs bien plus préparés : Moitessier, Crowhurst, Ridgway. L’un après l’autre, ils abandonnent, dévient, sombrent. Moitessier, parti pour gagner, fait demi-tour en pleine course pour continuer à naviguer « pour la paix intérieure ».
Knox-Johnston, lui, ne lâche rien. 312 jours de mer. Une avarie majeure sur sa radio le prive de tout contact. Pendant plusieurs mois, le monde entier le croit perdu. Quand il franchit enfin la ligne d’arrivée à Falmouth, le 22 avril 1969, amaigri, barbu, presque méconnaissable, il entre dans l’histoire. Il est le premier homme à faire le tour du monde en solitaire, sans escale. Et surtout, le seul à avoir terminé cette première édition du Golden Globe.

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La gloire... et la discrétion
L’Angleterre l’accueille en héros. On le décore, on le célèbre, on le porte en triomphe. Mais Robin n’aime pas trop le cirque. Il refuse la prime du Sunday Times et la donne à la veuve de Donald Crowhurst, navigateur disparu tragiquement pendant la course. Il retourne en mer. Il ne veut pas devenir une statue, ni un porte-drapeau. Il veut naviguer. Encore.
Ce n’est pas un homme d’égo, mais un homme de défi. Il ne recherche pas les caméras. Il cherche l’horizon.

La mer pour toujours
Contrairement à tant d’autres aventuriers que la gloire a fait rentrer au port, Robin continue à sortir en mer. En 1994, à 55 ans, il fait équipe avec Sir Peter Blake, autre géant de la voile. Ensemble, ils remportent le trophée Jules Verne à bord de ENZA New Zealand, en réalisant le tour du monde en équipage le plus rapide de l’époque.
À 68 ans, il repart pour un autre tour du monde, toujours en solitaire, dans la Velux 5 Oceans Race. Il termine quatrième. Une prouesse physique et mentale saluée par tous les marins. Parce que Robin, même âgé, même fatigué, garde une chose que bien d’autres ont perdu : la rage de vivre la mer.
En parallèle, il fonde la Clipper Round the World Race : une course ouverte aux amateurs, où il transmet l’esprit de l’aventure à ceux qui, comme lui, veulent tenter l’impossible. Plus qu’un coureur, il devient un passeur.

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Un marin d’une autre époque
Aujourd’hui encore, Robin Knox-Johnston reste fidèle à lui-même. Brut, direct, sans manières. Il aime parler de mer comme on parle d’un vieux compagnon : avec franchise, avec respect. Il se moque des gadgets, se méfie du confort moderne, et prône une navigation rustique, où la technologie n’écrase pas le marin.
Son regard est souvent dur quand il évoque les bateaux d’aujourd’hui. Trop assistés. Trop pressés. Trop chers. Pour lui, un voilier, c’est un prolongement du corps. Et l’océan, un juge impitoyable, mais juste. Ce qu’il aime, c’est le silence du large, les étoiles au-dessus de la grand-voile, et les nuits où l’on doute de tout, sauf de son cap.
Ce qui frappe, chez Robin Knox-Johnston, ce n’est pas l’exploit. C’est la cohérence. L’unité. Il n’a jamais varié. Il n’a jamais joué un rôle. Il a toujours été ce qu’il est : un marin. Un vrai. Un de ceux qu’on croise peu, qu’on écoute beaucoup, et dont le nom reste accroché aux récits comme une bouée en pleine tempête.
Dans un monde saturé de performances et de chiffres, il rappelle que l’héroïsme peut se vivre sans micro, sans cri, sans post Instagram. Juste avec une boussole, une barre franche, et une idée fixe : aller jusqu’au bout.

À lire pour prolonger la traversée
L’histoire de Robin Knox-Johnston a été racontée, parfois en filigrane, parfois en pleine lumière. Voici quelques œuvres qui permettent de naviguer encore un peu avec lui :
o "A World of My Own" (1969, réédité)
Son propre journal de bord, lucide, humble, passionnant. Une plongée dans la tête d’un homme seul face à la mer.
o "Running Free" (2004)
Autobiographie plus complète, où Robin revient sur toute sa vie, ses valeurs, ses aventures... et ses coups de gueule. Incontournable.

Robin Knox-Johnston a refermé la boucle. Celle du monde, bien sûr, mais aussi celle d’une époque : celle où les marins partaient sans savoir s’ils reviendraient. Son nom restera à jamais associé à l’audace, à la mer sans filtre, et à cette forme d’élégance rare qu’est la ténacité discrète.
Il ne s’est jamais perdu. Ni en mer, ni dans la vie.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...