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Un véritable retour en arrière ? Alors qu'une grande partie de la communauté nautique avait salué jeudi dernier, à la suite de l’intervention du Premier Ministre Edouard Philippe, la levée des arrêtés d’interdiction de la navigation de plaisance - confirmée dans la foulée par les préfectures maritimes -, la Fédération des Industries Nautiques (FIN) a découvert que le décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, interdisait la plaisance et les activités nautiques. Celles-ci, au même titre que l’accès aux plages, plans d’eau et lacs, ne pourraient être autorisées localement que par le préfet de département sur demande du maire. On croit rêver !
En conséquence, la FIN a immédiatement pris contact avec le cabinet du Premier Ministre et lui adresse aujourd’hui cette lettre ouverte que nous publions intégralement ci-dessous :
"Monsieur le Premier Ministre,
Le 7 mai, vous avez déclaré qu’un grand nombre de Français allait retrouver avec bonheur le 11 mai, « un peu de la liberté qui leur a tant manquée pendant ces longues semaines de confinement, un peu de l’espace qui leur a manqué, un peu de la nature qui leur a manqué ». Lors de cette allocution, vous avez également laissé aux préfets et aux maires, le soin de mettre en place des protocoles spécifiques pour notamment « permettre l'accès aux plages, lacs et centres nautiques dans le respect des exigences de sécurité sanitaire ». L’ensemble de la communauté nautique (industries et services, monde sportif, ports de plaisance et associations d’usagers)s’y était préparé en travaillant sur des guides, chartes ou référentiels sanitaires. Ce travail est pleinement opérationnel aujourd’hui. À la suite de votre intervention, nous avons pris l’attache de vos collaborateurs qui ont confirmé la demande que portait notre Fédération depuis plusieurs semaines : la liberté de naviguer était rendue au même titre que celle d’aller et venir sur le plan « terrestre ». Des instructions ont été depuis adressées et relayées par certaines préfectures maritimes dès la fin de la journée du 7 mai. L’ensemble de la communauté nautique a salué cette annonce. Cependant, la parution aujourd’hui du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sème le doute et l’incompréhension. D’abord l’article 9 de ce décret vise spécifiquement l’interdiction des activités nautiques et de plaisance. Jusqu’alors, les seules restrictions évoquées dans votre discours, concernaient les plages, les lacs et plans d’eau. Pourquoi un tel revirement ? En l’état donc, la rédaction de ce texte laisserait supposer que le préfet de département pourrait déroger à une règle générale d’interdiction de la plaisance et de la pratique nautique, à la demande du Maire, et pour autant que les prescriptions de l’article 1 (mesures barrières) et de l’article 7 (pas de rassemblement de plus de 10 personnes) soient respectées. Concrètement, si la navigation de plaisance est aujourd’hui autorisée par les Préfectures maritimes, l’accès au bateau serait lui conditionné à une autorisation locale des préfets de départements, sur demande motivée du Maire, qui permette d’accéder au port de plaisance par exemple. Pourquoi une telle complexité ?
Monsieur le Premier Ministre, nous connaissons votre attachement de longue date à la mer et à la plaisance. Jadis, vous déclariez qu’il fallait « maritimiser » les esprits. Nous avons parfaitement conscience des enjeux et des efforts déployés par votre gouvernement pour faire face à la pandémie, tant sur le plan sanitaire, qu’économique. Toutefois, nos concitoyens, qui sont 11 millions à pratiquer régulièrement une activité nautique, et 4 millions à naviguer, aspirent à retrouver cette liberté, cette nature et cet espace que vous évoquiez. Les empêcher à nouveau de reprendre la mer serait une mesure incomprise, d’autant que la quasitotalité des départements littoraux se classent en vert aujourd’hui et que les risques de contamination dans le cadre de cette activité en plein air sont très faibles. La communauté nautique est composée de marins et d’amoureux de la mer, par essence, responsables et conscients des enjeux de sécurité et de santé.
Cette reprise de la navigation est aussi essentielle pour la filière nautique. L’industrie nautique française compte plus de 5000 entreprises et emploie près de 42 000 personnes. Elle exporte 75% de sa production nationale et se classe dans les premiers sur le plan mondial. Préserver la saison estivale reste pour l’ensemble des acteurs de la filière comme du secteur nautique, un enjeu substantiel aujourd’hui. Tous, plaisanciers comme professionnels, sont prêts pour reprendre leur activité, de loisir ou de travail, dans des conditions sanitaires sécurisées.
Vous avez conclu votre intervention jeudi dernier sur le thème de la confiance que vous placez en chacun de nous pour atteindre « l’équilibre entre la sécurité sanitaire qui est importante et décisive, et la reprise de notre vie ». Faites-nous confiance.
Je vous en remercie par avance de l’attention que vous voudrez bien réserver à ce courrier et vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de mes sentiments distingués."