
1. Les requins : quand nager devient une question d’oxygène
Contrairement aux images véhiculées par la culture populaire, seule une minorité de requins doit absolument nager pour survivre. Les espèces dites nageurs obligés, comme le requin mako, le requin-pèlerin, le grand requin marteau halicorne ou encore certains requins taupes, dépendent du flux d’eau traversant leurs branchies pour s’oxygéner. Chez eux, le « sommeil » correspond à une phase de ralentissement général, une nage plus linéaire et une réactivité affaiblie. À l’inverse, beaucoup de requins benthiques, comme les requins-nourrices ou les requins de récifs, peuvent dormir immobiles en pompant l’eau grâce à leurs muscles buccaux. Ces différences montrent à quel point le sommeil dépend de la physiologie propre à chaque espèce.
2. Les dauphins : un cerveau qui alterne pour ne jamais perdre le contrôle
Les dauphins maîtrisent l’un des phénomènes les plus fascinants du monde animal : le sommeil uni-hémisphérique. Une moitié du cerveau s’endort pendant que l’autre reste active, permettant de maintenir une nage lente, de remonter respirer volontairement et de rester attentifs aux mouvements du groupe. Cette alternance peut durer plusieurs heures, avec de longues dérives contrôlées. Les femelles accompagnées d’un nouveau-né dorment encore moins : elles nagent en continu pour aider le petit à rester à la surface, leur repos se résumant alors à des micro-phases cérébrales qui s’étalent sur tout le cycle nycthéméral.

3. Les baleines à bosse : un sommeil fragmenté, souvent près de la surface
Chez les baleines à bosse et d’autres grands cétacés, le sommeil est court, irrégulier et très fragmenté. Elles alternent des phases brèves, parfois quelques minutes seulement, de flottement quasi immobile et de nage lente à faible profondeur. Ce comportement leur permet de conserver le contrôle de leur respiration volontaire, mais aussi de suivre des routes migratoires qui peuvent s’étendre sur des milliers de kilomètres. Certaines observations suggèrent un repos partiel du cerveau, comparable à celui des dauphins, mais avec une intensité moindre et une variabilité marquée selon l’âge, la saison et les déplacements en cours.
4. Les tortues marines : un repos qui dépend du voyage et de l’espèce
Les tortues marines ont une stratégie de sommeil très diversifiée. En pleine migration, elles alternent des phases de nage douce et des moments où elles se laissent porter par les courants, limitant leur dépense énergétique tout en conservant une trajectoire générale. Les tortues vertes privilégient des zones rocheuses pour se caler sous un relief où elles peuvent s’assoupir plusieurs heures, tandis que les tortues luths, mieux adaptées aux grandes profondeurs, descendent dans la colonne d’eau avant de remonter lentement pour respirer. Leur repos en mouvement n’est donc pas systématique, mais constitue une adaptation indispensable lors de longues traversées océaniques.

5. Les thons et autres nageurs obligés : un repos minimaliste mais constant
Les thons, notamment le thon rouge, le thon albacore et le thon jaune, font partie des poissons incapables de s’arrêter totalement. Leur physiologie musculaire et leur système branchial exigent une nage permanente pour assurer une oxygénation suffisante. Leur repos s’apparente à une baisse d’intensité générale : trajectoire plus stable, nage moins énergique, réactions ralenties. Des espèces comme le maquereau ou l’espadon présentent des comportements similaires. Chez ces nageurs endurants, la frontière entre veille et sommeil est ténue, presque imperceptible sans mesures biologiques fines.
Dans les profondeurs comme en surface, un repos façonné par l’évolution
Dormir en nageant n’est pas une curiosité, mais une réponse directe aux contraintes de l’environnement marin. Entre respirer volontairement, éviter les prédateurs ou parcourir des distances immenses, ces animaux ont développé des stratégies uniques qui redéfinissent ce que l’on appelle « dormir ». Un monde où le repos n’est pas une immobilité, mais un mouvement maîtrisé, preuve supplémentaire que l’océan reste, encore aujourd’hui, un vaste laboratoire d’adaptations extraordinaires.
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