Biomimétisme naval : quand la mer murmure aux architectes navals

Economie
Par Le Figaro Nautisme

En s’inspirant des figures emblématiques du vivant marin, le biomimétisme naval réinvente les bateaux d’aujourd’hui et de demain. Structure, revêtement ou propulsion, l’ingéniosité évolutive des océans devient matrice de nouvelles innovations : plus efficientes, écologiques et surprenantes. Plongée dans un univers où l’observation du vivant façonne l’ingénierie de haute mer.

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En s’inspirant des figures emblématiques du vivant marin, le biomimétisme naval réinvente les bateaux d’aujourd’hui et de demain. Structure, revêtement ou propulsion, l’ingéniosité évolutive des océans devient matrice de nouvelles innovations : plus efficientes, écologiques et surprenantes. Plongée dans un univers où l’observation du vivant façonne l’ingénierie de haute mer.

Le vivant comme maître-à-penser
Le biomimétisme n’est pas une discipline confinée aux laboratoires, c’est un état d’esprit, presque une philosophie. L’idée : comprendre comment les organismes vivants s’adaptent à des conditions extrêmes et transposer ces solutions dans l’ingénierie humaine. Dans le monde naval, cette approche prend un sens particulier : la mer est un environnement hostile où vents, vagues, sel et organismes marins mettent à rude épreuve tout ce qui flotte.
Pour les architectes navals, la nature est une bibliothèque inépuisable : chaque poisson, coquillage ou mammifère marin détient des solutions perfectionnées par des millions d’années d’évolution. Les chercheurs analysent la forme des carapaces pour renforcer les coques, scrutent la nage des poissons pour optimiser la propulsion, et étudient les surfaces anti-adhésives naturelles pour créer des revêtements qui empêchent l’accumulation d’algues et de coquillages. Dans les bureaux d’études comme dans les chantiers navals, le dessin d’un bateau n’est plus seulement dicté par des calculs, mais par une lecture fine des stratégies du vivant.

Quand le corail, les éponges ou les poissons soufflent leurs secrets
Les récifs coralliens, par exemple, sont de véritables forteresses naturelles. Leur structure en réseau dissipe l’énergie des vagues tout en offrant une résistance étonnante à l’érosion. Ce principe inspire des protections côtières et même des coques capables d’encaisser des chocs en répartissant les forces. Les éponges marines, quant à elles, possèdent un squelette de silice organisé de manière à combiner légèreté et solidité, un modèle précieux pour concevoir des structures de navire plus résistantes sans alourdir la masse.
Les poissons aussi enseignent leur art : le thon, champion de vitesse, adopte une forme fuselée et des nageoires qui réduisent la traînée au maximum. Cette hydrodynamique inspire directement des profils de coques plus rapides et moins gourmandes en carburant. Plus surprenant, la peau des dauphins, qui freine la prolifération d’algues et de micro-organismes, sert de référence pour développer des revêtements marins non toxiques. Là où les anciennes peintures antifouling utilisaient des substances nocives, les solutions bio-inspirées misent sur la texture pour décourager l’adhérence, sans polluer l’eau.

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Voler... sous l’eau, comme l’exocet fascine les ingénieurs
Parmi les créatures marines qui excitent l’imagination des architectes, le poisson volant, ou exocet, occupe une place de choix. Ce petit animal, capable de bondir hors de l’eau et de planer sur plusieurs dizaines de mètres, combine puissance musculaire, hydrodynamisme et portance. Ses longues nageoires pectorales, déployées comme des ailes, fonctionnent comme des foils naturels.
Cette observation a conduit certains concepteurs, comme l’architecte naval Guillaume Verdier et le cabinet VPLP, à repenser la manière dont les bateaux utilisent leurs appendices. L’idée : s’inspirer de la transition fluide entre nage et vol de l’exocet pour optimiser les foils des voiliers de course et, à terme, de navires de plaisance. Une telle approche pourrait réduire considérablement la résistance dans l’eau et augmenter la vitesse de croisière, tout en offrant une meilleure stabilité dans des mers formées. Plus qu’une curiosité biologique, l’exocet devient un guide de design, capable de réinventer la relation entre le bateau et la surface de l’eau.

Onduler pour capter l’énergie : l’anguille au service des énergies marines
Le biomimétisme naval ne se limite pas à la forme des coques ; il touche aussi la manière dont on produit de l’énergie en mer. L’exemple de EEL Energy en est la parfaite illustration. Plutôt que de reproduire une hélice ou une turbine classique, leurs ingénieurs ont observé l’ondulation des anguilles et des raies pour concevoir une hydrolienne souple, composée d’une membrane qui ondule au rythme du courant.
Ce système présente plusieurs avantages : il fonctionne à faible vitesse de courant, il ne représente pas un danger pour la faune marine, et il ne nécessite pas de pièces mécaniques complexes immergées. En imitant un mouvement naturel, il transforme l’énergie cinétique de l’eau en électricité de manière plus fluide et plus respectueuse de l’environnement. Cette technologie ouvre des perspectives pour alimenter des installations maritimes, voire des navires, avec une énergie locale et renouvelable, directement puisée dans le milieu où ils évoluent.

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La Nouvelle-Aquitaine, zone pilote d’une économie bleue bio-inspirée
En France, certaines régions misent sur le biomimétisme comme moteur économique. La Nouvelle-Aquitaine, et particulièrement la côte basque, s’affirme comme un laboratoire à ciel ouvert pour cette approche. La Région, la Ville de Biarritz et la Communauté d’Agglomération du Pays Basque soutiennent des programmes de recherche associant biologistes, ingénieurs et entreprises navales. Objectif : développer des solutions inspirées du vivant, testées en conditions réelles et rapidement transposables à l’industrie.
Des projets pilotes voient le jour : revêtements anti-adhérents inspirés de la peau de requin, coques aux formes copiées sur les poissons pélagiques, systèmes d’énergie ondulatoire... Ce maillage d’acteurs publics et privés permet de mutualiser les connaissances et de créer un écosystème d’innovation durable. En misant sur le biomimétisme, la région ne se contente pas de suivre une tendance : elle se positionne comme pionnière d’une nouvelle façon de concevoir l’économie maritime, plus résiliente et en phase avec les cycles naturels.

Loin d’être une mode passagère, le biomimétisme naval incarne une véritable rupture culturelle dans la conception des bateaux. Il ne s’agit plus seulement de construire plus vite ou plus grand, mais de construire mieux, en écoutant les enseignements de millions d’années d’évolution. Les formes, textures et mouvements observés dans le monde marin deviennent autant de solutions techniques : revêtements propres, propulsion optimisée, production d’énergie douce.
Ce changement de paradigme ouvre un horizon où performance et respect de l’environnement avancent de concert. Les navires de demain pourraient bien être les héritiers directs de l’exocet, du thon ou de l’anguille, et voguer non pas contre la nature, mais avec elle.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...